Résumé
Depuis deux décennies environ, on s‘intéresse de plus en plus à des phénomènes de langage d‘adolescents qu‘on désigne désormais comme « multiethnolectes » et qui ont émergé dans un contexte de contacts culturels et linguistiques urbains. Dans la sphère publique, on les décrit parfois comme un pas vers la « créolisation » des langues européennes. Les débats sur les multiethnolectes et celles sur les langues créoles sont similaires à bien des égards : Ces langues souffrent d‘une dépréciation énorme dans l‘opinion publique, elles sont vues comme les résultats d‘un déclin linguistique, elles auraient des grammaires appauvries, et elles seraient non seulement un obstacle au développement mental et moral de leurs locuteurs mais aussi un signe du manque de ceci. Souvent, la recherche sur ces langues est critiquée comme un gaspillage de ressources car elle n‘aurait pas le résultat souhaité, notamment une protection et un raffinement des langues. A l‘aide d‘une analyse de 1.240 commentaires sur des multiethnolectes et des langues créoles dans des discussions en ligne, cet article montre que des phénomènes de contact linguistique provoquent des demandes de pureté et de conservation qui reproduisent des arguments usuels de l‘idéologie des langues standardisées. Cet article offre une analyse des mécanismes discursifs partagés dans des sociétés créoles (Jamaïque, Trinité, La Réunion, île Maurice) et dans des sociétés européennes (Allemagne, Norvège, Pays-Bas). Une telle perspective comparative démontre comment les arguments idéologiques sont utilisés, dans des contextes différents, comme moyens de délégitimation d‘une communauté entière de locuteurs.Téléchargements
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